Franchement, c’est pas le pied ?

Mon équilibre est précaire, j’ai peur de chuter, d’avoir mal. Je m’accroupis. Les pieds joints, je me laisse glisser tant bien que mal dans la pente verglacée à la suite d’un compagnon d’infortune. Je suis fatigué, peu à l’aise dans cet exercice casse-gueule. Ooooooooh, je vais trop vite … Une branche providentielle freine ma course. La collision qui semblait inévitable n’aura pas lieu. Je me relève rapidement, mes jambes flageolent. Au milieu du chemin, deux coureurs progressent sur les fesses jouant la carte de la prudence. Leur amour-propre n’est pas leur priorité du moment. D’autres jouent les Weissmuller et passent d’arbre en arbre en s’agrippant aux branches. Deux faisceaux lumineux me dépassent rapidement et déboulent dans la pente en se jouant du terrain. Gauche, gauche … Des relais. Comment font-ils ? Le tableau est surréaliste !

J’ai une révélation, un éclair de lucidité : je suis barge ! Tandis que le genre humain est profondément endormi, blotti dans la douce chaleur d’une couette, je suis là, dans la rigueur d’une nuit hivernale au plus profond du bois d’Arfeuille à glisser sur ce chemin pentu transformé en piste de bobsleigh. Et le pire c’est que j’aime ça ! Je suis un grand malade et contagieux de surcroît pour avoir entrainé à ma suite sept camarades de jeux dans ce long périple qu’est la LyonSaintéLyon.

La genèse

Mais revenons quelques mois en arrière, à la genèse du projet. En 2006, lors de ma première SaintéLyon, j’ai découvert l’existence de la LyonSaintéLyon. J’étais en train de papoter tranquillement, assis sur les gradins dans le hall d’exposition quand on me révéla l’existence de ce off. Dès 2003, sous l’impulsion de Yoyo, des coureurs gentiment fondus du ciboulot avaient effectué l’aller Lyon-Sainté à pied pour se rendre au départ de la course officielle. Des fondus ou plutôt des ultrafondus puisque tous étaient membres du forum éponyme. Le mythe était né. Ce jour-là, j’ai tourné la tête à plusieurs reprises en direction des portes du hall en attendant le départ de la course mais rien, pas d’UFO cette année. Il n’y a pas eu de LyonSaintéLyon en 2006. Et pourtant, c’est bien une part de rêve qui m’a été offerte ce jour-là.

En 2009, Biscotte m’a suggéré de faire l’aller-retour avec lui. Je n’y avais jamais songé ! La LyonSaintéLyon, c’était une légende, un truc pour faire rêver les grands gamins que nous sommes, une histoire qu’on se raconte le soir à la veillée autour du feu, tout sauf un truc tangible. Biscotte a entrouvert la porte, je m’y suis engouffré avec empressement. Ce 4 décembre 2009 fut le passage du rêve à la réalité … je peux vous dire que je l’ai senti passé ! 😆
Cela dit, j’ai vraiment apprécié la balade d’autant que j’ai eu la fierté d’être le seul finisher cette année. Premier de la LyonSaintéLyon et quasi dernier de la SaintéLyon !


Blanche neige et les 7 nains.

En 2010, j’ai décidé d’inviter d’autres personnes à partager la balade en ma compagnie. Les objectifs étaient multiples : l’envie de partager cette expérience avec d’autres coureurs connus ou inconnus d’une part car une passion n’a de sens que si elle est partagée. Et d’autre part offrir à mon tour à d’autres Arthurs en puissance leur part de rêve. Après avoir découvert la doyenne, chacun découvre qu’il peut s’offrir une double ration du mythe s’il le désire, quoi de plus motivant ?
Et puis on ne sait jamais, on murmure que l’aller-retour pourrait devenir officiel à l’occasion du 60 eme anniversaire de la course. Si c’est le cas, je serai prêt !

Rassembler un groupe de 8 personnes n’a pas été une mince affaire. Les coureurs assez barges pour courir 136 km en plein hiver pour le simple plaisir de l’effort et la beauté du geste ne sont pas légion. Bon, c’est vrai que la LyonSaintéLyon est légèrement plus confidentielle que la doyenne malgré mes efforts pour communiquer à son sujet. Le jour où l’on verra des 4 x 3 pour la LyonSaintéLyon dans les rues de Lyon, j’aurai du soucis à me faire, il ne faut surtout pas que je dépasse les 500 coureurs ! 😆

Samedi matin

C’est donc à Aymeric, Barbie, Biscotte, Fulgurex, JM Touron, Patrovite et Tidgi que j’ai donné rendez-vous ce samedi matin. Je connais la majorité d’entre eux. Mon compère Biscotte bien entendu, Fulgurex rencontré lors du Off de Mamanpat dans le Bugey et qui aura été le premier à manifester son désir de faire l’aller-retour, Jean-Michel Touron récent finisher du Tor des Géants avec qui j’avais discuté du Marathon des Sables au Nivolet Revard 2009, Tidgi rencontré au Lyon Urban Trail et compagnon de route à l’Ultra des Coursières 2010. J’aurai le plaisir de découvrir en chair et en os Barbie, chroniqueuse dans Ultrafondu et fondatrice du site www.courir-au-feminin.com, Aymeric jusque là parfait inconnu ainsi que Patrovite dont le père n’est autre que monsieur SaintéLyon himself. Et bien, papa a peut-être participé à 23 SaintéLyon mais il n’a aucune LyonSaintéLyon à son actif.


Barbie essaye ses chaines toutes neuves.

Je découvre tout ce petit monde sur le parking du Palais des Sports de Gerland. Nous papotons tranquillement en nous préparant. Jean-Michel et Aymeric ont opté pour le short ! Bon, ce n’est pas le petit short de marathonien et leurs mollets sont couverts par des manchons de compression mais tout de même, il y a suffisamment de peau visible pour me filer des frissons rien qu’en les regardant ! Ils sont réchauffés les compères.

C’est sympa, quelques personnes chargées de la mise en place du site d’arrivée sont venues nous saluer. Quelques photos pour immortaliser cet instant et nous nous préparons à prendre le départ, un départ quelque peu reculé pour permettre au Garmin de Biscotte de trouver tous ses petits copains satellites. Quand c’est pas le Tazounet, c’est la Biscotte qui traîne (oh la mauvaise langue). Ils sont joueurs ces coureurs d’ultra ! Nous sommes accroupis le long de la ligne virtuelle du départ comme pour la finale d’un 100 m aux jeux olympiques. Bon presque tous, je me contente de fléchir un peu les cuisses légèrement en retrait, c’est qu’il me faut du temps pour déplier ma longue carcasse. Hop, ca y est c’est parti … à fond sur 10m et puis nous prenons notre allure de croisière. Au revoir Gerland, on se reverra dans quelques heures.

Lyon – Soucieu en Jarrest :
Heure : 11h26, Temps de course : 2h59, Pause : 21′

Les trottoirs sont recouverts de neige mais nous avons de la chance, ça ne glisse pratiquement pas. Nous croisons quelques joggers matinaux dans le parc de Gerland avant de traverser le Rhône pour rejoindre le nouveau quartier de la Confluence. Les bâtiments sont originaux, très designs mais l’ensemble manque un peu de vie et semble aussi acceuillant que l’eau froide de la Darse. Il faut dire que ce quartier construit de toute pièce est toujours en chantier. Après avoir franchi la passerelle sur la darse, nous remontons la Saône tranquillement. Le soleil matinal illumine les hauteurs de Sainte-Foy. Les facades des batiments éparpillés sur la colline y gagnent en éclat et se détachent parfaitement d’une végétation dénudée, un peu grisonnante. La scène baigne dans une luminosité agréable propice à la flânerie et à la contemplation.


On attaque la montée sur Sainte-Foy-lès-Lyon par les escaliers qui bordent l’entrée du tunnel sous Fourvière.

Notre première grimpette débute avec les escaliers qui longent l’entrée du tunnel de Fourvière. Nombreuses sont les personnes qui ne connaissent de Lyon que sont tristement célèbre tunnel et ses bouchons à rallonge sans même parler de la vue offerte plus au sud sur la forêt métallique de tuyaux et de cheminées délétères des usines, quand l’autoroute traverse le couloir de la pétrochimie. Non, Lyon ce n’est pas cela, il suffit d’avoir participé une fois au Lyon Urban Trail pour s’en persuader et découvrir de l’intérieur les richesses et les beautés tapies dans cette ville. En tout cas, elle est particulièrement fournie en escaliers de toutes sortes !

Nous cheminons à flanc de colline entre les murs borgnes de grandes demeures bourgeoises. Par moment, à la faveur d’une grille ou d’un portail un peu moins haut que les autres, un point de fuite s’ouvre à nous et notre regard porte loin sur la plaine lyonnaise et sur le quartier de Perrache et de la Confluence en contrebas. Nous quittons la torpeur de ces rues paisibles par un petit jardin public en pente pour rejoindre le centre de Sainte-Foy, nettement plus animé.

La bonne humeur règne en maitre dans notre petite équipe. Cette petite montée sur la crête de Sainte-Foy nous a réchauffés, nos corps sont désormais prêts à l’effort. Il fait bon, il fait beau, chacun mesure sans doute la chance qu’il a de participer à une édition de la LyonSaintéLyon qui s’annonce exceptionnelle de part les conditions réunies. Neige et soleil, que du bonheur.


La côte de Beaunant.

Nous quittons mes terrains d’entrainements habituels par la route de Montray mieux connus dès lors que l’on évoque la côte de Beaunant (ou de Sainte-Foy). Une ultime grimpette qui marque de manière indélébile les esprits et les cuisses des coureurs de la SaintéLyon, surtout quand ils sont cuits à point. Pour le moment, il s’agit surtout de se freiner un peu dans la descente en longeant les vestiges des aqueducs gallo-romain. Une première bosse de franchie.

En face de nous, au-delà de la départementale qui court au fond du vallon se dresse une nouvelle colline. Nous passons devant le garage Opel qui accueille le ravitaillement de Beaunant et c’est le début d’une grimpette tranquille qui va nous mener à Chaponost.

Une première nouveauté de l’édition 2010 de la SaintéLyon nous attend à Chaponost. Nous quittons la vieille route pour emprunter le chemin de Comballat. Si on en croit les panonceaux SaintéLyon subitement rencontrés à un croisement, il y a probablement eu quelques changements de dernière minute au niveau du tracé par rapport à la trace gps disponible sur le site de la SaintéLyon. A moins que les baliseurs n’aient pris quelques libertés ? Argh, le puriste serait presque tenté de rebrousser chemin pour suivre ce nouveau balisage mais mes cuisses me rappellent que la balade va être longue. J’aurai bien le temps de découvrir ce petit aménagement du tracé au retour.

Je mets en garde mes compagnons de route. Lors de notre reconnaissance en VTT avec Jean-Mik, nous avons failli être dévorés en un seul morceau par deux molosses surgis comme deux diables hurlants d’une villa dont le portail était resté ouvert. J’ai découvert ce jour que Jean-Mik était capable d’accélérations époustouflantes en vélo et qu’il méritait de porter sans aucun doute possible le maillot vert du meilleur sprinter ! Le portail est toujours ouvert aujourd’hui mais les deux molosses ont pris l’apparence de jeunes épagneuls joueurs. Nous sommes loin des dogs affamés rendus fous à la vue de nos mollets appétissants. Fulgurex pousse même le vice jusqu’à distribuer quelques caresses ce qui calme immédiatement les drôles et met fin aux derniers aboiements. Ces représentants de l’ordre canin m’avaient semblé plus gros la dernière fois. Le sacrifice des mollets dénudés de Killian et de Jean-Michel Touron a été évité, probablement aux dépens de ma crédibilité, me voilà étiqueté marseillais.

Le chemin du Château déjà célèbre sur la toile avant même d’avoir été emprunté par les coureurs.Une portion facile puis on attaque un escalier dont les marches sont assez peu adaptées aux 7 nains.

Cette épisode marque le début du chemin du Château qui a fait quelque peu parlé de lui sur les forums de course à pied. Sa fonction première semble être celle d’un déversoir pour évacuer le trop plein des eaux des pluie. Il n’a rien du chemin paisible, propre à accueillir les balades dominicales en famille mais il reste très agréable pour les semelles d’un trailer en forme. La petite monotrace du départ fait rapidement place à un escalier velu dont la hauteur des marches est plus adaptée à une équipe de basketteurs qu’à une bande de nains.

Oui, une bande de nains. 7 nains pour être tout à fait précis. Après avoir joué les Sancho Pancha sur les terres Millanaises me voilà contraint d’endosser le rôle d’un nain sous la coupe de Blanche-Neige. Je suis contre toute forme de discrimination y compris envers les personnes atteintes de nanisme mais je ne me sens que peu d’affinités avec la tranquille insouciance de Simplet. Elle s’est quand même attribuée le bon rôle dans l’histoire Barbie. Franchement une Blanche-Neige blonde, c’est pas crédible !

Nous empruntons nos premiers chemins dans les vergers au-dessus du parc du Boulard. Au loin, les sommets des Monts du Lyonnais tracent une ligne de démarcation très nette entre la blancheur de la neige et la palette de bleus du ciel. Au premier plan, les premières végétations du parc renforcent cette séparation. Nous sommes plusieurs à immortaliser ce paysage de carte postale. Les 7 nains font du tourisme. C’est ça le off. Pas de stress, le simple plaisir de la balade entre personnes de bonne compagnie. Et quel pied ce soleil ! La luminosité est assez forte pour que Tidgi sorte les lunettes de soleil. Ca le fait, non ?


Nous empruntons nos premiers chemins dans les vergers au dessus du parc du Boulard. Au loin, les sommets des Monts du Lyonnais trace une ligne de démarcation très nette entre la blancheur de la neige et la palette de bleus du ciel.

Je remonte en tête le parc du Boulard avec Biscotte. C’est le moment de faire un point sur notre avancement. Nous avons un petit peu de retard sur notre plan de route de l’année dernière mais compte tenu de la neige ce n’est pas si mal. Il y a quelques plaques de verglas par moment ce qui nécessite un minimum de vigilance et ralentit notre progression. Nous traversons le centre de Chaponost. J’aurai réussi à prendre l’église dans sa globalité cette année.

C’était peut-être pour fuir au plus vite les effluves malodorantes du manège de la dame blanche, mais nous nous sommes tous lâchés dans la descente sur le Garron. Certains plus que d’autres d’ailleurs mais à chacun sa spécialité du moment qu’on ait l’ivresse. La célébrissime passerelle du Garron franchie, nous nous dirigeons à une allure plus tranquille en direction de Soucieu en Jarrest.

Nous arrivons à Soucieu en Jarrest, lieu de notre premier ravitaillement, en fin de matinée. Nous avons très peu bu. On achète tout de même une bouteille d’eau pour ajuster les niveaux et chacun fait ses petites emplettes personnelles à la boulangerie comme nous l’avions convenu. Il était temps que nous arrivions, il ne restait plus qu’une seule part de flan bien vite complétée par une tartelette à la praline. Il faut ce qu’il faut, il s’agit de faire le plein d’énergie pour faire face aux températures négatives. Pour le moment, nous n’avons pas froid. Nous nous sommes tous rassemblés sur la terrasse ensoleillée de « la belle étoile », une pizzéria située stratégiquement à proximité de la boulangerie. L’ambiance hivernale, le soleil sur le terrasse, on s’imaginerait presque en train d’avaler un sandwich entre deux descentes sur les planches dans une station des Alpes, la foule en moins. J’ai le plaisir d’échanger quelques mots avec un participant de la SaintéLyon qui a suivi sur la toile nos préparatifs.


Nous arrivons à Soucieu en Jarrest lieu de notre premier ravitaillement en fin de matinée. Nous avons très peu bu. On achète tout de même une bouteille d’eau pour ajuster les niveaux et chacun fait ses petites emplettes personnelles à la boulangerie comme nous l’avions convenu.

Soucieu en Jarrest – Sainte-Catherine :
Heure : 14h43, Temps de course : 6h16, Pause : 35′

Malgré les rayons du soleil, le froid nous contraint rapidement à reprendre la route. Même Jean-Michel commençait à adopter la posture du coureur qui se caille, genoux serrés, bras recroquevillés contre le corps. Pourtant, l’homme en question est connu pour transpirer en short et t-shirt dans un congélateur quatre étoiles. J’ai lu récemment cette maxime dans le calendrier Ultrafondus : « On met cinq minutes à se refroidir, et une heure à se réchauffer. ». Je suis on ne peut plus d’accord avec cette affirmation.


La route a été dégagée, c’est une chance. Pour avoir effectué quelques trails blancs dans le Pilat, je nous imaginais mal faire notre trace dans une neige épaisse, nous enfonçant dans la poudreuse jusqu’aux hanches sur de tel distance.

Au fur et à mesure de notre avancée, les paysages sont de plus en plus hivernaux. Nous sommes en rase campagne maintenant. Les grands espaces dénudés, cultivés à la bonne saisons, sont recouverts d’un épais manteau neigeux. La route a été dégagée, c’est une chance. Pour avoir effectué quelques trails blancs dans le Pilat, je nous imaginais mal faire notre trace dans une neige épaisse, nous enfonçant dans la poudreuse jusqu’aux hanches sur de telles distances. Cela risque quand même de se compliquer quand nous quitterons la route. Pour le moment, seul quelques plaques de verglas nous ont rappelés parfois à l’ordre et nous ont invités à la prudence. Nous avons même le droit à de longues portions de bitume parfaitement mis à nu au-dessus de Rontalon.

Malgré nos différences de niveaux sportifs, le groupe est relativement homogène et nous progressons le plus souvent côte à côte ou à la queue leu leu suivant la largeur de la voie mais que vienne une petite descente technique en sous-bois et chacun s’autorise alors une petite accélération dans la pente pour se dégourdir les jambes.

Pas d’hésitation à Saint-Genoux cette année, ni même ailleurs du reste. Le gps de Patrovite s’avère bien pratique. Nous n’avons pas besoin de suivre le balisage ou du moins avec une moindre attention. Patrovite est là pour corriger le tir s’il est besoin. Je ne me rappelle pas avoir vu Biscotte sortir sa carte. Si j’osais, je dirai que c’est mieux comme ça …


Le bois d’Arfeuille est un peu plus délicat à appréhender du fait de la pente, ça glisse mais je suis loin d’imaginer dans quel état sera le terrain à notre retour.

Le bois d’Arfeuille est un peu plus délicat à appréhender du fait de la pente, ça glisse mais je suis loin d’imaginer dans quel état sera le terrain à notre retour. J’ai un petit coup de mou sur cette portion. Je m’efforce de ne pas penser aux nombreuses heures qui me séparent de mon canapé et de me concentrer sur le thé chaud qui nous attend en principe à Sainte-Catherine.

Arrivés sur la crête, nous croisons un quad de l’organisation. Ils nous déconseillent le nouveau passage en crête au-dessus de Moreau. Le vent a formé de grosses congères qui pourraient bien transformer notre sympathique balade en long calvaire. La retraite de Russie, très peu pour moi. Bon, il sera toujours temps d’aviser sur place, en tant que coureurs un peu trop éclairés nous aurons peut-être une vision différente du terrain.

En tout cas, on ne pourra pas se plaindre de ne pas avoir eu une météo aux petits oignons. Dommage qu’il y ait cette légère brume au loin. On devine plus qu’on ne voit les plus hauts sommets de la chaine des Alpes. Leurs pointes émergent à peine de cette bande grise à l’horizon. La visibilité semble s’améliorer avec le temps et le Mont Blanc s’offre bientôt à nous. Un régal pour les yeux. La LyonSaintéLyon franchement ça déchire !

Voilà le nouveau passage de Sainte-Catherine. Nous tournons brusquement sur la gauche et descendons le chemin de la Grotte. Je profite des quelques barres de réseau que veut bien m’accorder Orange pour passer un petit coup de fil à mon père. Il est déjà sur les lieux, le thé chaud n’attend plus que nous. Je ne suis pas fâché d’arriver à Sainte-Catherine. Ce sera la mi-course, enfin de l’aller seulement. Ca fait tout drôle de penser qu’il nous reste une centaine de bornes à parcourir. Une balade Millanaise, le dénivelé et la neige en plus. Ca fout le tournis de penser à ça !

Nous avons convenu avec mon père que le ravitaillement serait situé dans le centre du village, un peu en amont du stade, lieu du ravitaillement officiel de la course. Je n’avais pas la certitude que mon père puisse accéder au stade et puis nous serions plus tranquilles. Le stade serait probablement en pleine effervescence pour préparer le passage de milliers de coureurs quelques heures plus tard. Nous avons d’ailleurs vu un camion transporter tout un lot de modules de toilettes de chantier. Leur usage est bien souvent une épreuve dans l’épreuve mais il faut penser aux habitants des villages traversés Ce ne doit pas être agréable de découvrir aux abords de son village les vestiges odorants des visiteurs d’une nuit.


Mon père a installé à côté de sa voiture une petite table de camping sur laquelle sont disposés quelques verres, un thermos de thé bien chaud et un autre avec de l’eau chaude pour faire du café. On sort de la voiture les quelques provisions misent en commun.

Mon père a installé à côté de sa voiture une petite table de camping sur laquelle sont disposés quelques verres, un thermos de thé bien chaud et un autre avec de l’eau chaude pour faire du café. On sort de la voiture les quelques provisions mises en commun. Tout ce petit monde papote et se restaure en se serrant autour de la table. La température aidant, le thé bien chaud a été particulièrement apprécié. L’année prochaine, je prévoirai des quantités plus importantes et j’ajouterai au programme de la soupe. Rien de tel qu’un bouillon aux vermicelles pour faire le plein d’énergie et se réchauffer.

Sainte-Catherine – Saint-Christo en Jarez :
Heure : 17h22, Temps de course : 8h55, Pause : 12′

Et se réchauffer, on en a vraiment besoin ! Cette température vivifiante est un allié de taille pour qui veut être performant. Impossible de trainer aux ravitaillements avec ce froid. Il est d’ailleurs grand temps de reprendre la route. Il nous faudra de longues minutes d’effort pour retrouver une température corporelle confortable. Fulgurex piquera même un sprint de furieux dans la montée après Sainte-Catherine pour se réchauffer plus rapidement.

L’épaisseur de neige devient nettement plus conséquente dès lors que nous quittons les chemins carrossables. Nous aurions pu nous éviter quelques peines en suivant la route, certains sentiers assez courts ne faisant que couper un ou deux virages mais cela n’aurait pas été satisfaisant pour nos esprits puristes. La trace, c’est la trace, neige ou pas neige. A ce petit jeu du coureur « plus bourrin, tu meures gelé », nous avons gagné le plaisir de progresser lentement dans un sentier avec de la neige jusqu’aux genoux (voir plus) ! Le vent a formé de belles congères par endroit.

Dans le Bois du Châtelard, nous avons croisés quelques skieurs venus s’adonner à la pratique de la glisse en famille. Ils ont été quelque peu surpris de voir tout un groupe de coureurs jouer aux cabris dans les chemins enneigés. Et plus encore d’apprendre que nous nous rendions à pied au départ de la SaintéLyon. Ben quoi, nous aussi on aime la neige …Nous ferons une petite pause photo à la sortie du bois. La brume s’est levée peu à peu, au fur et à mesure de notre avancée dans la journée. La chaines des Alpes est désormais bien plus visible.

Dans le Bois du Châtelard, nous avons croisé quelques skieurs venus s’adonner à la pratique de la glisse en famille. Ils ont été quelque peu surpris de voir tout un groupe de coureurs jouer aux cabris dans les chemins enneigés. Et plus encore d’apprendre que nous nous rendions à pied au départ de la SaintéLyon. Ben quoi, nous aussi on aime la neige …

Nous ferons une petite pause photo à la sortie du bois. La brume s’est levée peu à peu, au fur et à mesure de notre avancée dans la journée. La chaines des Alpes est désormais bien plus visible. Je suis vraiment content pour mes compagnons, les conditions sont excellentes, un vrai régal.


Je suis vraiment content pour mes compagnons, les conditions sont excellentes, un vrai régal.

Les baliseurs avaient effectivement raison. Le sentier qui doit nous conduire sur le passage en crête au-dessus de Moreau paraît difficilement praticable du fait de la hauteur de neige. Nous décidons de continuer par la route en suivant le tracé habituel de la course. Ce ne serait pas raisonnable de faire une séance de brasse dans toute cette poudreuse, la route est encore longue … tant pis pour ce nouveau passage.

Le soleil se couche alors que nous basculons sur le versant stéphanois de la course. Nous sommes sur les hauteurs un peu avant l’Hôpital, pratiquement au point le plus haut du parcours. En face de nous, l’horizon s’est embrasé, déversant sur les collines environnantes ses couleurs rougeoyantes. La neige prend des couleurs bleutées qui tranchent avec les couleurs sombres de la végétation. L’année dernière, le soleil s’était couché alors que nous traversions les bois sombres du Châtelard. Nous n’en avions profité que très peu. Voilà un avantage auquel je n’avais pas pensé en avançant notre heure de départ. Profiter d’un somptueux coucher de soleil sur les hauteurs de l’Hôpital !


Un somptueux coucher de soleil sur les hauteurs de l’Hôpital !

Nous décidons d’une pause pipi générale pour profiter plus longuement du paysage. Alignés en rang d’oignons, les pieds enfoncés profondément dans la neige, la tête tournée à droite pour capter du regard les derniers rayons du soleil nous voilà tous les sept à communier avec dame nature. Blanche-Neige s’est abstenue quant à elle, sa dernière communion datait de Sainte-Catherine et il faut bien avouer que c’est parfois pratique d’être un mec.

Une fois l’affaire rondement menée et la vidange terminée me voilà bien embêté. Je m’aperçois avec stupeur que je n’ai plus la moindre force dans la main gauche. L’effet du froid ! Les gants de soie n’étaient pas suffisants pour me préserver de la température franchement négative. J’ai beau insisté, je n’arrive pas à refaire le nœud de mon collant. Impossible de serrer ce p… de lien avec mes doigts engourdis. Il faudra que je fasse sans, il est temps de repartir, mes compagnons ont tous quitté les lieux depuis un moment.


Petite portion de route au niveau de l’Hôpital.

Après avoir emprunté la petite portion au dessus de l’Hôpital, nous quittons à nouveau le bitume pour gambader dans la neige en direction de Saint-Christo. Avec la nuit qui s’installe je commence à trouver que le fond de l’air est un chouïa trop frais pour être confortable … Il faut dire que je suis équipé comme un pinpin. 3 pelures d’oignon en guise de vêtements, comprenez par là un sous-vêtement manches longues, un t-shirt manches longues et ma micro polaire. Du basique qui a fait ses preuves dans des conditions saintélyonnaises classiques mais qui montre ses limites aujourd’hui. Je prendrai le temps d’enfiler mon coupe-vent au prochain ravitaillement, pour le moment le meilleur moyen de se réchauffer est encore de courir.

Je me serai bien caillé en 2010 … L’Ultra des Coursières et son vent à décoiffer un chauve, le Trail Verbier St Bernard et la traversée orageuse du col de Fenêtre, la fraicheur des nuits millavoises en short échancré de marathonien… ben il n’y a plus qu’à ajouter la promenade dans le congélateur quatre étoiles des terres du Jarez. C’est décidé, il faut que je me trouve un sous-vêtement thermo machin truc pour 2011, enfin quelque chose qui tienne chaud, qui ne soit pas trop épais, ni trop lourd, il y en a marre de se peler.

Je suis sacrément content d’entamer la descente sur Saint-Christo. Je ne serais pas contre une petite pause mine de rien. Voilà les bons petits coups de cul que j’avais particulièrement appréciés lors de notre reco vtt avec Jean-Mik. Une montée de 150 m bien velue pour se faire cuire les quadriceps puis une courte traversée de route pour faire redescendre (un tout petit peu) le cardio. Et on remet ça trois fois pour bien s’en rappeler sans doute. Pour le moment, c’est facile, on le fait en descendant tout en douceur mais dans quelques heures il faudra remonter tout cela.

Après avoir contourné le stade par le haut, nous arrivons au ravitaillement de Saint-Christo. Une tente a été installée sur le parking du Stade. A l’intérieur, quelques bénévoles s’affairent pour finaliser la mise en place du ravitaillement. Ils ne s’attendaient pas à voir des coureurs à cette heure. Passé l’effet de surprise, ils nous accueillent avec chaleur. Nous n’en demandons pas plus du reste, cela fait du bien de pouvoir se reposer un moment au chaud. Ils n’ont pas encore préparé de boisson chaudes, c’est un peu tôt, mais ils nous proposent de piocher à notre guise dans les aliments. Après avoir ajouté un peu d’eau dans ma poche, ce serait quand même con de tomber en rade, je m’empresse de rajouter une ultime couche de vêtements à ma panoplie en enfilant mon coupe vent Quechua. Le moins qu’on puisse dire c’est que ça caille, c’est bien la première fois que j’ai froid aux doigts avec des gants de soie. D’ailleurs, je devrais me résoudre à solliciter l’aide de Tidgi pour qu’il refasse le nœud de mon collant …


Le ravitaillement de Saint-Christo. Une tente a été installée sur le parking du Stade. A l’intérieur, quelques bénévoles s’affairent pour finaliser la mise en place du ravitaillement. Ils ne s’attendaient pas à voir des coureurs à cette heure.

Cette dernière partie est une longue galère pour moi. Je souffre de douleurs abdominales. L’eau froide m’a mis les boyaux en vrac. Enfin, j’imagine que c’est cela. J’ai bien veillé à laisser l’eau se réchauffer un moment dans ma bouche avant de l’avaler seulement je ne peux le faire trop longtemps car il faut que je puisse souffler rapidement dans le tuyau de ma poche à eau pour éviter qu’il ne gèle. Bon forcément, c’est arrivé deux ou trois fois et il a fallu que je m’escrime à souffler dedans comme un beau diable tout en réchauffant le tuyau avec mes mains gelées !

J’avais bien pensé à équiper le tuyau de ma poche avec une gaine de protection thermique et a mettre une chaufferette dans mon sac mais le manque de temps et la flemme ont eu raison de cette bonne idée.

Nous franchissons le col de la Gachet avant de filer sur Albuzy toujours en pataugeant gaiement dans la neige. Le mal de ventre semble passer un peu en arrivant sur Sorbier, il faut dire que je ne bois quasiment plus. Oh ce n’est pas par volonté de ménager mon estomac mais la simple conséquence du gel.

Après Sorbier, la traversées de la zone industrielle n’est pas des plus agréables. Les trottoirs sont impraticables et nous sommes obligés de cheminer sur la chaussée au bord du boulevard face à la circulation. Et il y en a encore pas mal à cette heure. Les inserts réfléchissants de nos vêtements et nos lampes frontales semblent suffisants pour assurer notre visibilité auprès des automobilistes mais je n’aime pas ça. On peut toujours tomber sur un miro ou un excité de la pédale. Ca ferait désordre de se retrouver en bonne place dans une feuille de chou à la rubrique des trailers écrasés. D’autant qu’il faut toujours un responsable et que le gentil organisateur est la personne toute trouvée dans ce cas-là, même s’il n’y peut pas grand chose.

Et puis quelle caillante. -8°c ! Bon ok ce n’est pas le pôle sud ni même le Haut Doubs mais en découvrant la température tout à l’heure sur cet afficheur géant dans la zone industrielle je me suis demandé si j’aurai à nouveau chaud un jour.

Avec la fatigue, la lassitude s’installe. J’en ai ma claque de ce boulevard, je veux me poser au chaud, manger tranquillement, me changer, dormir. Je me traine et je ne suis pas le seul. Le groupe s’est quelque peu disloqué. Quelques warriors encore en forme caracolent en tête, suivis par votre humble serviteur, largué il faut bien le dire, à une centaine de mètres. Derrière moi, encore un peu plus loin, Barbie semble accuser le coup. Ses récents marathons doivent se rappeler à ses bons souvenirs. Elle a tout de même fait le marathon de la Rochelle une semaine avant ! Cela semble dur pour elle en ce moment. Je voudrais ralentir pour l’attendre et l’encourager avec quelques mots mais tout cela reste au stade de la pensée. Je suis incapable de traduire cela en acte. Mon corps poursuit son chemin comme un automate, sourd à mes réflexions. Jean-Michel joue au serre-file. Il nous a dit avoir accumulé de la fatigue depuis le Tor des Géants mais il pourrait tout aussi bien être devant, il a de la réserve. Pas moi. Tout ce petit monde finit par se regrouper à nouveau à l’approche de l’arrivée … enfin du départ.

Toute chose a une fin. Quel soulagement d’entrevoir enfin le hall d’exposition. La fatigue disparaît, le moral remonte en flèche. Un virage à droite, un autre à gauche et nous franchissons tous ensemble la ligne de départ après 11h17 de balade. Et hop, un off de 68 km de plus à mon actif, reste à pouvoir profiter du retour dans les meilleures conditions physiques. Un peu de repos devrait y contribuer.

Mais ça, c’est une autre histoire …

La LyonSaintéLyon, le 4 décembre 2010 : le retour