Circadien un jour, circadien toujours …

Courir pendant 24 heures. Pourquoi pas ? Cela ne m’effraie pas. J’ai déjà été confronté plusieurs fois à des efforts d’une telle durée. Avec ma petite cylindrée, le moindre petit ultra montagnard me propulse illico dans le monde du double tour d’horloge. Ce n’est peut-être pas la Circadie, mais nous n’en sommes pas si éloignés.

L’année dernière, j’avais envisagé de m’initier à la pratique des courses horaires en participant aux 24 heures d’Aulnat mais la proximité avec la LyonSaintéLyon m’avait quelque peu refroidi. Pouvoir faire l’aller retour dans les Monts du Lyonnais dans de bonnes conditions était mon objectif principal. Je ne voulais pas prendre le risque de planter mes futurs compagnons de route sous le prétexte d’une blessure ou d’une fatigue excessive. Pas de baptême à Aulnat donc.

Mais l’envie est là. Biscotte m’a proposé de venir avec lui à Saint-Fons. Hum, aller faire du tourisme à Saint-Fons, voilà bien une idée à la con ! Je ne peux m’empêcher d’associer cette commune limitrophe de Lyon au couloir de la Chimie. La partie de la ville qui borde le Rhône est occupée en grande partie par les usines des industries chimiques. On a fait mieux comme environnement. Encore qu’une usine chimique peut avoir un certain charme la nuit quand elle est illuminée par d’innombrables petites lumières. Mais voilà, les idées à la con de Biscotte, je suis fan ! Je souscris, j’adhère, je plussois. Impossible de résister à ses tentations. L’animal le sait bien. Je signe donc pour la balade les yeux fermés, rêvant déjà, avec bonheur, aux innombrables tours de circuits que j’allais à coup sûr réaliser. Et puis la balade n’est pas trop éloignée de la maison, c’est un avantage et non des moindres. Une bonne nouvelle pour mon budget course. Ben oui, moi c’est Arthur, pas Crésus.


Quelques minutes avant le départ.

Ma préparation :

Je rigole doucement en écrivant ce titre de chapitre …

Intégrer les 24h de Saint-Fons dans ma planification n’a pas été chose facile du fait de sa proximité avec le Grand Raid 73. J’avais beau retourner le problème dans tous les sens, il m’était impossible de me préparer sérieusement pour ses deux objectifs pour le moins éloignés dans leurs caractéristiques. Le ratio distance/D+ du Grand Raid 73 a vite fait pencher la balance en sa faveur. 5000 mètres de D+. J’imagine très bien ce que peut donner cette orgie de dénivelé sur des cuisses non préparées ! Je me préparerai donc pour le Grand Raid 73 et j’irai à Saint-Fons en touriste …

Et quant à faire le touriste, autant le faire à fond, en puriste. J’ai commencé par ne pas travailler mon allure spécifique. D’ailleurs c’est quoi mon allure spécifique pour ce genre de balade ? J’imagine qu’elle ne doit pas être très éloignée de celle pratiquée sur la LyonSaintéLyon. Et puis, je me suis bien gardé de réfléchir à une quelconque stratégie de course. Quelle allure adopter au départ de la course ? A quel moment de la course intégrer des phases de marches ? Quelle ratio course/marche envisager ? Je me suis également totalement désintéressé de mes ravitaillements, un de mes points faibles avérés. A quelle fréquence boire ? Manger ? Faut-il se ravitailler en marchant ? Assis ?

Seule concession à cette préparation exemplaire, le choix d’un objectif kilométrique tout à fait arbitraire : parcourir 150 km. Cet objectif me semble des plus raisonnables, confortable même. Ce n’est guère plus que la distance de la LyonSaintéLyon, le dénivelé en moins. Fingers in the nose. Une distance qui devrait me permettre de récupérer rapidement et d’enchainer sereinement les prochaines compétitions. Il doute de rien le père Arthur !


Petite séance de rigolade. Ca fait du bien.

Samedi matin :

Je me gare donc ce samedi matin sur le parking qui jouxte le stade de la Cressonière. Le départ de la course est à 10h. Il est 8h30. Une marge normale selon moi pour prendre connaissance des lieux, retirer mon dossard et reconnaître tranquillement le parcours. Une confirmation de ma folie latente selon Biscotte. Comment peut-on arriver si tôt sur le lieu d’une course aux dépens d’une heure de sommeil ô combien précieuse.

Je m’attendais à courir entre deux silos chimiques et à slalomer entre les tuyaux d’une usine classée Seveso. Il n’en est rien ou presque … Le cadre, sans être idyllique, n’est pas si désagréable au regard tant que ce dernier ne se porte pas à l’ouest. Car au-delà des multiples voies ferrées qui bordent le stade, une usine tout ce qu’il y a de plus usine nous impose sa présence malgré le rideau formé par une double rangée de peupliers. A l’est, l’espace est délimité par les hauteurs de Saint-Fons. Deux terrains de foot, quelques terrains de tennis et un gymnase composent l’essentiel des installations sportives bordées d’arbres et de pelouses. Il y a même une structure type pyracorde pour occuper les enfants. Le tout fait bonne impression. C’est vert, les petits oiseaux gazouillent dans les arbres et notre copine l’usine n’exhale aucune odeur particulière.

Le gymnase est mis à la disposition des coureurs. Des tapis de gymnastique sont disponibles pour faire un éventuel petit somme en cours d’épreuve. Ce n’est pas au programme mais cela pourra toujours servir pour se refaire une petite santé après la course et cela permet d’étaler ses petites affaires. Je profite de la visite des lieux pour retirer mon dossard et récupérer un t-shirt floqué du nom de la course en guise de cadeau de bienvenue.

Quelques barnums ont été disposés devant le gymnase. A chacun sa fonction, ravitaillement, système de comptage des tours, abris pour les coureurs en relais et les coachs accompagnateurs. Le tout est complété par une arche d’arrivée et par un panneau électronique judicieusement placé là pour me rappeler ma condition de coureur de seconde zone. Allons donc reconnaître le parcours …

Le parcours :

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Le parcours détaillé en photos : Les 24 h de Saint-Fons 2011, le parcours.

Quand faut y aller :

Le départ de la course est imminent. Il est grand temps de se joindre au peloton. Nous sommes une bonne trentaine à attendre le départ. Pas de têtes connues à part Biscotte et Cocolecyclo. Ah si ! Le commentateur présente le plus jeune coureur du peloton. Franck, 26 ans tout mouillé. Serait-ce pas par hasard LE Franck ? Celui qui écume tous les forums de France et de Navarre. Et bien oui, c’est lui. Je découvre également quelques UFO dont le Circadien Diabétique. Je ne le connais pas en personne mais il est plutôt facile à identifier : son pseudo est inscrit sur le haut de son t-shirt.

Et c’est parti pour un premier tour de piste ! Nous sommes à l’arrière du peloton avec Biscotte. C’est parti assez vite. Enfin, il me semble … On verra bien ce que ça donne dans quelques heures. On se gêne un peu par endroit, pour franchir les portions du circuit les plus étroites, notamment au retour lors du contournement du gymnase. Mais cela ne provoque pas de ralentissements à proprement parlé. Je franchis pour la première fois l’arche d’arrivée. Un bip, la puce fonctionne. Tout roule. A moi le monde de la Circadie.


Et c’est parti pour 24h de footing.

Mon père est rentré chez lui. Les tours s’enchainent. Nous faisons la connaissance de Pierre, un jeune vétéran 4 de 71 ans, avec une expérience longue comme une jambe d’Arthur et une langue bien pendue. « Tant que j’ai la forme, je parle … » Hum, de toute évidence, c’est la grande forme aujourd’hui. Je laisse Biscotte faire la conversation. J’y vois deux avantages : 1) j’économise ma salive et mes forces. 2) Biscotte dilapide sa salive et ses forces. Et puis de toute façon, je ne sais pas faire deux choses à la fois. Je suis monotâche enfin c’est ce que me dit madame.

Biscotte est chaud, moi aussi, alors on augmente peu à peu notre vitesse et nous faussons compagnie à Pierre pour mieux tomber quelques tours plus tard dans les griffes de Jeannick, une des rares féminines de l’épreuve. Jeannick est vétéran 3, une pêche incroyable et une langue qui n’a rien à envier à celle de Pierre. Des personnages forts sympathiques qui vaudraient à eux seuls le déplacement à Saint-Fons.

Nous sommes classés rapidement dans la rubrique débutants, débutants dans la discipline s’entend, il faut croire que c’est tatoué sur notre front à moins que Pierre n’ait déjà cafté sur notre compte ou que Biscotte n’ait avoué notre inexpérience sans que j’y prête attention. Jeannick s’empresse de nous délivrer quelques conseils en vue d’économiser un maximum notre énergie le long du parcours. « Regardez les jeunes, il vaut mieux rester sur le trottoir, parce qu’à la longue, descendre cette marche, ça use … ». C’est vrai Jeannick, mais cela nous oblige à tourner serré et le coach le dira bien plus tard au micro : il faut tourner large pour économiser ses articulations.


On part tranquillement en fin de peloton.

Et il vaut mieux l’écouter le coach parce que des virages, il y en a un sacré paquet et de ceux qui ne détonneraient pas sur une petite route à flanc de montagne. L’épingle à cheveux est fort bien représentée à Saint-Fons. Pour s’économiser, il ne faut surtout pas imiter le Tazounet sur deux roues. Il faut ralentir avant la courbe dixit Biscotte. Jusque là, le Tazounet doit pratiquer un peu de la même façon puisqu’il est toujours de ce monde, mais ensuite on ne se penche surtout pas dans le dit virage. Au contraire, on tourne bien à plat en veillant à ne provoquer aucune rotation du buste, des hanches ou de je ne sais quoi. Il va sans dire que dans les premières heures de course, on se fout bien de ce genre de conseils, les jambes sont de toute première fraicheur, rien ne saurait vous ralentir. On se prendrait volontiers au jeu d’accélérer à chaque sortie de virage. Avec l’accumulation des heures à tourner en rond, on finit par adopter naturellement une économie de gestes fortement suggérée par la fatigue. Nous quittons Jeannick avec un peu moins de salive, elle ne veut pas se griller en nous suivant, notre allure est un poil trop élevée pour elle.

Nous avons juste le temps de refaire le stock avant de faire un bout de chemin avec Franck. L’occasion de parler de la LyonSaintéLyon. Franck est tenté par notre balade annuelle dans les Monts du Lyonnais mais il a quelques inquiétudes quant à son niveau. Sera-t-il suffisant ? Biscotte le rassure, Arthur n’a jamais abandonné personne dans les bois. Un off, c’est avant tout un groupe. Tous au départ, tous à l’arrivée. Et puis, on a une vraie démarche éco responsable à la LyonSaintéLyon, on ne laisse pas trainer de coureurs partout dans la forêt, ça fait désordre. D’autant
que les coureurs sont loin d’être totalement bio dégradables avec tout ce qu’ils portent sur le dos.


Séance papotage avec Pierrot, jeune V4 de 71 ans.

Quant au niveau de Franck, j’ai doucement rigolé intérieurement. Oh pas de son niveau, mais surtout de sa soi-disant insuffisance de niveau. Et j’ai rigolé plutôt jaune car notre jeune senior avait déjà pris une avance confortable sur Biscotte et moi et les résultats finaux de Saint-Fons montrent, s’il en était besoin, que ses capacités sont largement suffisantes pour effectuer une SaintéLyon ou sa version doublée. Encore faut-il que ça lui plaise. Il nous a avoué ne pas aimer avoir froid et ne pas aimer courir la nuit … Hum, dans ces conditions …

Vous allez forcément penser, à la lecture de ces premiers paragraphes, que nous avons passé la majeure partie de notre temps à papoter. Ce fut effectivement le cas au début. 36 coureurs sur un circuit d’un kilomètre, ça se traduit par tout un tas de petits groupes de 2 à 3 coureurs qui tchatchent tranquillement de la pluie et du beau temps pour passer le temps avec quand même quelques coureurs solitaires concentrés sur leur course. Avec le temps, le papotage fut bien moins intensif. La conséquence de l’effort et du soleil qui fait des siennes.

Mon genou droit me cause quelques soucis. Le bougre me fait un peu la gueule depuis l’Hivernale des Coursières. Ce n’est pas une douleur forte qui me clouerait sur la piste mais une gêne, une raideur désagréable. Et puis j’ai l’impression d’avoir les pieds dans un four, signe avant coureur d’un échauffement. Pour éviter tout risque d’ampoules, je décide de faire un arrêt au stand. J’en profiterai également pour me tartiner à nouveau copieusement avec de l’écran total. J’aimerais éviter de virer au rouge vif, ce n’est pas seyant à la piscine.


Un tour de plus …

L’ami Biscotte en a profité pour me mettre un tour dans la vue. Pour être tout à fait exact, un peu moins d’un tour. Mais il n’a eu aucun mal par la suite à « arrondir » son avance en gagnant du terrain sur moi inexorablement. Nous reprenons la route ensemble mais j’ai de plus en plus de mal à le suivre notamment lors de nos passage au stand. Lorsque nous nous arrêtons pour boire un coup ou manger un morceau, Biscotte repart aussitôt. J’ai bien du mal à en faire autant. Je suis obligé de marcher un peu, je suis moins réactif et je dois prendre beaucoup sur moi pour le rattraper. Ce genre de situation ne dure jamais très longtemps. A la sortie d’un ravitaillement, j’abdique et laisse ma Biscotte s’envoler au loin, ses lauriers bien calés sur le crâne. Son premier objectif du jour est dès lors sur une très bonne voie : maraver son copain Arthur.

Je me console comme je peux les tours suivants. Je suis là en touriste, tout va bien, je suis là en touriste, tout va bien … Merde, j’ai bien du mal à m’en convaincre. Ma motivation est en chute libre. A tourner en rond, j’ai l’impression de ne pas avancer. Ce n’est pas faux du reste. Quelle chaleur. 25° sous abri, 34° en plein cagnard. Le commentateur s’est amusé avec un thermomètre tout à l’heure. Un coup à l’ombre, un coup au soleil et je t’annonce le résultat … C’est comme un coup de massue sur les épaules, une chape de plomb. Chaleur et démotivation, chaque tour est une corvée qui n’en finit pas de recommencer, le tonneau des danaïdes, un remake moderne du mythe de Sisyphe. Vous savez ce pauvre gars condamné à une séance de dénivelé interminable. Et en poussant un rocher devant lui de surcroît. Ils sont plutôt vicieux les dieux grecques.

Je quitte la phase initiale de papotage pour un long round solitaire. Il y a une foule de choses à observer à chaque tour de circuit comme autant de mini-feuilletons que l’on retrouve à chaque passage.


Compère Biscotte m’a mis un tour dans la vue à l’occasion d’une pause Nok.

Il y a l’homme au transat installé confortablement sur la pelouse en bordure de piste un verre à la main, les orteils en éventail, prêt à capter le moindre petit souffle d’air. Il contemple d’un air détaché le défilement incessant des coureurs qui s’éreintent dans la poussière juste devant lui. Les vaches regardent bien les trains passer. Je l’observe avec envie. Mon royaume pour un transat et une mousse bien fraîche.

Quelques mètres plus loin, une tente. Dans la tente, un lit de camp. Une autre forme de tentation, assez faible pour le moment mais dont le pouvoir attractif atteindra sa pleine puissance plus tard, dans la nuit. Une femme lit, indifférente à son environnement, installée sur une chaise devant la tente. Pendant ce temps, monsieur court. Parfois, elle se lève, s’enquiert de la forme de son poulain et lui tend une serviette pour qu’il s’éponge le front. Accompagnatrice fidèle, elle ne faiblira à aucun moment de la course et sera toujours présente tard dans la nuit avec son livre à la main. Argh, je n’ai pas réussi à lire le titre du bouquin. Dommage, il devait être passionnant …

Indéfectible supporter du coureur de fond, Arclusaz a renoncé à ses séances de jardinage dans les Monts du Lyonnais pour goûter au soleil Sainfoniard avec ses deux enfants. Ceux-ci m’encouragent avec enthousiasme tandis que leur papa prend des photos. En plus, ils changent régulièrement d’emplacement ce qui ajoute un peu de diversité à la chose.

Les coureurs eux-mêmes sont une source de distraction. Une petite tape dans la main en croisant Biscotte, un sourire à Cocolecyclo, quelques mots avec Jeannick, autant de petits gestes qui vous motivent à poursuivre votre effort. Les allers-retours du circuit sont finalement une bonne chose.


Biscotte a suffisamment d’énergie pour faire l’andouille. L’est trop fort la Biscotte.

Et puis il y a les coureurs rapides. Deux m’impressionnent particulièrement. Régis Mangeot avec le maillot bleu et noir du team Running Conseil. Il court droit comme un i et semble imperturbable avec ses lunettes noires sur les yeux et sa saharienne vissée sur la tête. Malheureusement pour lui, il sera contraint à l’abandon dans la nuit après une grosse défaillance. Et puis il y a Marc Etiemble alias le Circadien Diabétique. J’ai été impressionné par sa détermination et par sa foulée. Souplesse et puissance. Voilà les deux mots qui me venaient à l’esprit à chaque fois qu’il me doublait et que je le voyais s’éloigner au loin tranquillement ! Impressionnant.

La principale source de divertissement est de loin le passage au stand. On franchit la ligne d’arrivée accompagné par le bip sonore qui confirme l’enregistrement du tour, un de plus. On lève la tête vers le panneau d’affichage pour guetter l’affichage de son nom. Il apparaît une ou deux secondes plus tard avec votre nombre de tour et votre classement. Hum, ça n’avance pas vite cette histoire. Je suis 24eme pour le moment. Pour meubler, le commentateur annonce d’ailleurs votre nombre de tour à la sono. M’enfin, il veut bien se taire celui-là. Pas besoin de crier sur les toits que je me traine !

Et puis après, il y a la récompense : une gorgée de liquide, un petit truc à grignoter. Il y a tout ce qu’il faut pour tenter un Arthur, sucré ou salé. On peut même commander à tout moment un plat chaud pour le tour suivant. Avec la chaleur, je bois une gorgée de liquide à chaque tour et parfois bien plus. C’est beaucoup trop. Un truc à se plomber le bide ou bien pire. Je m’efforcerai dès lors à alterner la prise de boisson et la prise de nourriture et mieux encore à snober purement et simplement la table du ravitaillement. Petite remarque en passant : il serait bon que les personnes présentes sur le parcours et notamment au ravitaillement évitent de fumer sous le nez des coureurs. Sans vouloir en faire tout un plat, j’ai trouvé ça assez incommodant. Bon, je suis un ancien fumeur, je sais qu’on ne se rend pas toujours compte de la gêne provoquée quand on est à l’autre extrémité de la cigarette.


Cocolecyclo aussi …

Ca ne s’arrange pas côté motivation. Mon allure a encore diminué. Mais oui, c’est possible. Ma femme et ma soeur ont prévu de venir en fin de journée. J’ai l’esprit entièrement focalisé sur leur visite. C’est une étape intermédiaire, une bouée à laquelle se rattacher pour ne pas penser aux heures qui me séparent de la fin de la course. Merde, j’en ai rarement autant chié. Quand elles sont arrivées, j’ai été à deux doigts de jeter l’éponge et de rentrer à la maison avec elles. Un lien ténu m’a retenu là, la certitude que les regrets seraient là le lendemain. Ma femme est repartie à la maison, je suis resté à Saint-Fons.

J’ai négocié âprement avec moi-même. Je continuerai à tourner en rond jusqu’au 75eme tour. Ensuite, je m’accorderai une longue pause pour prendre un repas consistant et j’irai m’allonger un peu. J’espère que la forme sera ensuite de retour. Un remake de la LyonSaintéLyon en quelque sorte avec sa pause conséquente à Saint-Etienne. C’était cela ou je pliais bagage prématurément.

Les coureurs du 6h ont terminé leur périple, ceux du 12h prendront le départ plus tard dans la soirée. La course devrait être plus simple pour eux. Ils ne souffriront pas de la chaleur en tout cas, la température a bien chuté.

Dès lors les choses s’améliorent quelque peu. Mon corps s’est résigné à son travail de corps en mouvement. Mon cerveau a branché le pilote automatique. J’entre dans une nouvelle phase de ma course, un voyage intérieur. Mon esprit s’échappe et dérive au loin. Par intermittence, je reprends conscience de mon environnement pour un court instant, avant de replonger de plus belle dans mes pensées. Je m’étonne alors de me retrouver à tel ou tel endroit du circuit sans avoir eu conscience du chemin parcouru.

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Je franchis la barre symbolique des 68 km vers 19h20. Et hop une SaintéLyon dans la poche. Je me verrais bien poursuivre par un repas au Flore avec tous les compères. Un bon plat de pâtes, une mousse fraiche. Ce serait parfait. Las, pour le resto, il va falloir patienter encore un peu. Il me reste 7 kilomètres pour atteindre la moitié de mon objectif. Je veux les faire suffisamment vite pour me dégager un max de temps de repos. Le repas attendra encore un peu. Il me faudra une bonne heure pour venir à bout de ces quelques kilomètres, de quoi m’ouvrir l’appétit. Je boucle le 75eme tour vers 20h30.

Il n’est plus question du moindre petit tour de piste. Je passe commande d’un plat de pâtes et m’installe le plus confortablement possible sur une chaise à proximité du barnum. J’attaque de bon cœur le plat de résistance. Deux ou trois fourchettes plus loin et je dois me rendre à l’évidence : mon estomac désapprouve fortement la consistance de ces quelques pâtes, purée de pâtes devrais-je dire. Là, c’est sûr, aucun problème de mastication. C’est du prédigéré cette histoire !
Je me replie sur la soupe en m’excusant de ce retour inattendu auprès du bénévole. De ce côté, pas de surprise, j’ai déjà testé. Elle est bonne de chez bonne.

Je rentre dans le gymnase. Tiens mais c’est la Biscotte ! L’a des ampoules la Biscotte. Il a beau se protéger du mieux qu’il peut, rien à faire. Il a toujours des ampoules au talon. Moi je vous le dis, c’est psychosomatique. Il culpabilise de maraver son petit camarade, c’est sûr. Et ça pour maraver il marave le bougre. C’est agréable de papoter un moment avec son compère. Notez bien que je ne reste pas les bras ballants. J’en profite pour changer de pneus. Mes supernova ont fini leur part de travail. Un bon achat ces chaussures, Christian (Running Conseil) m’a déniché un truc sympa. Une bonne alternative à mes Vomero. C’est leur tour d’ailleurs d’entrer en piste. Elles sont encore toutes blanches mais ça ne va pas durer. On ramasse une de ces poussières sur la partie du parcours en cendrée. Bonjour, la gueule des chaussettes !

Biscotte est reparti. Il ne m’aurait pas laissé dormir l’animal. Je dors très mal en recevant des coups de pieds au cul ! Je m’accorde 20 minutes de sommeil. Pas besoins de réveil. Je plonge quasi immédiatement dans un demi sommeil avec un niveau de conscience juste suffisant pour égrainer les minutes qui passent. Voilà un truc que je n’hésiterai pas à faire à l’UTMB si la fatigue est trop importante. C’est toujours mieux que de rendre son dossard sur un coup de tête.

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Le réveil est un peu difficile mais à l’heure prévue en tout cas ! Je suis raide à rendre jaloux le plus piquet des piquets. Ce n’est pas bien grave, je sais par expérience que ça ne va pas durer bien longtemps. Il fait nuit dehors. Un petit vent m’accueille sur le pas de la porte, purée mais c’est qu’il fait froid ! C’est pas vrai, je ne vais quand même pas me cailler après les 34° C de l’après-midi ! Repli stratégique. Je vais enfiler illico presto mon t-shirt manches longues du trail Verbier St-Bernard. Bien pratique les deux dossards fournis par les organisateurs. Ca évite de jouer avec les épingles à nourrice.

Je suis de retour sur la piste à 21h30. Me voilà relégué à la 26eme place. J’ai perdu deux places en une heure de pause. Je m’attendais à pire. Biscotte me devance de 14 tours ! Allez, il va falloir se réveiller un peu maintenant. Il me faudra une bonne ligne droite pour retrouver un peu de souplesse dans les guiboles et un tour complet avant de contrôler les tremblements provoqués par la baisse de température. Le passage express du mode sommeil au mode hamster est un peu violent à mon goût. A la fin du deuxième tour, je commence à être chaud et au troisième je suis en nage ! Arrêt obligatoire au stand pour enlever mon t-shirt manches longues. Un des coureurs en relais me propose de le déposer sur mon tapis. Voilà qui est fort sympathique de sa part.

Les coureurs du 12h00 viennent de prendre le départ. Nous sommes à la mi-course. Quand je pense que je vais devoir encore tourner en rond pendant 12 heures. 720 minutes de plaisir qu’ils disaient … Vaut mieux être sourd que d’entendre ça ! On ne m’y reprendra plus. Plus jamais ça.

Cela dit. La pause a été salutaire. J’ai une pêche incroyable. Mon allure est plus faible qu’en début de course, quasi du 7′ au kilo mais j’ai l’impression de voler sur la piste. En tout cas, j’ai réussi a adopter un rythme efficace avec un arrêt au stand tous les 3 ou 4 tours seulement. Pour les autres, je m’autorise une phase de marche dès la passage sous l’arche et je reprends la course en quittant la zone du ravitaillement.


Ma pause prolongée au 75eme tour m’a couté deux places au classement.

Cet état de grâce va durer très exactement trois heures. Trois heures qui me permettront d’ajouter 21 km à mon escarcelle et de retrouver ma place déchue à la 24eme place du classement général. A l’issue du 96eme tour, je m’effondre à nouveau comme un château de cartes. Le bol de soupe que je déguste lentement est avant tout un prétexte tout trouvé pour rester assis. J’aurais aimé passer rapidement la barre des 100 km mais non rien à faire. Du tapis ou de l’homme, qui est le plus fort ? Ben c’est le tapis, vainqueur par KO ! Ce n’est pas que j’ai réellement sommeil mais bon sang qu’est-ce que la position horizontale est confortable.

La pause a été nettement plus courte. Quarante minutes tout au plus, repas et tartinage de pieds compris. Le tapis est une drogue dure. J’ai enfilé à nouveau mon t-shirt manches longues pour affronter la température. Un petit 12°C. C’est un retour à l’aire glaciaire comparé au 25° de l’après-midi. J’ai nettement moins la pêche qu’après mon premier arrêt et ma capacité à courir sans m’arrêter durera également bien moins longtemps. L’effet d’accoutumance au tapis sans doute. Il me faudra augmenter considérablement les doses pour finir, j’en ai peur. Ce n’est vraiment pas brillant …

Sourire ensommeillée pour Arthur, pour Biscotte c’est plutôt un rictus, mais pendant 24 h il y a forcément des hauts et des bas.

Le commentateur annonce enfin mon passage au 100eme tour vers 1h40. Pas trop tôt. C’est con, mais j’avoue être presque gêné par ma piètre performance. Ca fait belle lurette que les coureurs en tête de course ont ajouté le chiffre des centaines à leur compteur, Biscotte compris. Il tourne bien le bougre. Il a bien préparé son coup.

Cocolecyclo vient d’abandonner. Je l’ai croisé alors qu’il s’en retournait au parking. Je suis déçu, j’aurais aimé prendre le temps de papoter avec lui mais nous n’avons jamais été vraiment synchro sur le parcours. J’avais remarqué que son allure avait baissé et il m’avait dit à plusieurs reprises que c’était dur pour lui mais je ne pensais pas qu’il en bavait au point d’abandonner. Il aurait peut-être dû m’écouter. Je lui avait conseillé d’aller se reposer un moment. Cela aurait peut-être été salvateur.

Les heures passent. Je retrouverai mon copain le tapis encore deux fois dans la nuit. Vers 3h30 après le 112eme kilomètre pour une pause de 36 minutes et plus tard vers 5h50 après le 122eme kilomètre pour une pause de 34 minutes. Entre les deux, je m’efforce de courir pendant deux ou trois tours sans m’arrêter au stand et puis je fais une petite pause assis sur les marches d’escaliers du gymnase le temps de boire un verre avant de repartir.

Nous avons eu le droit à un peu d’animation dans la nuit sur les voies ferrées toutes proches. A priori, un chantier RVB (Renouvellement Voies Ballast) de la SNCF. Il permet d’effectuer le remplacement des rails, du ballast et des traverses d’une ligne grâce à un train-usine entièrement mécanisé. Bon, si ce n’était pas cela, c’était très ressemblant. En gros, ça ressemble à un train mais très raccord avec sa copine l’usine (rapport aux loupiotes dans la nuit), c’est lent et ça fait suffisamment de vacarme pour vous tenir éveillé.

Cocolecyclo n’est pas le seul à avoir abandonné. J’ai croisé Régis Mangeot dans le gymnase peu avant son abandon. J’ai vraiment été étonné de le trouver là. Il donnait une telle impression de facilité sur le circuit cet après-midi. Maintenant, il a surtout l’air d’être fourbu. Encore un qui a subi la chaleur de plein fouet.

Le jour s’est levé accompagné du chant des oiseaux. Curieusement, c’est presque à regret que j’ai vu les premières lueurs apparaître. Je redoute le retour de la chaleur et puis j’aime courir la nuit. Les organisateurs ont prévu de la viennoiserie pour le petit-déjeuner. Ce n’est pas ce qu’il y a de mieux comme aliment de l’effort mais il passe plutôt bien ce croissant alors au diable la diététique, au moins pour aujourd’hui (pas taper Corinne).

La nuit a laissé des traces sur certains coureurs qui auront bien du mal à courir au cours de la matinée. Moi, j’ai la chance d’avoir retrouvé un peu de punch et suffisamment de motivation pour vouloir atteindre la barre des 140 km. Je n’ai guère de mérite, on ne peut pas dire que je me sois trop épuisé cette nuit ! Cette forme toute relative va me permettre de remonter de cinq places au classement, me voilà en 19ème position.


Dernière tenue du jour, un vrai défilé de mode …

La matinée va passer assez vite grâce à la visite de quelques compères. Xavier (le gone runner) est venu faire son footing dominical avec Biscotte et moi, nous accompagnant à tour de rôle. Purée, j’avais bien du mal à le suivre et lui à se freiner probablement. Arclusaz est revenu nous voir également. Si c’est pas un fidèle supporter ça ! Et puis c’est l’arrivée de toute ma petite famille. Madame bien sûr mais également mes trois pépettes qui ont renoncé à leur couette pour admirer la foulée gracieuse de leur papou ! Ma sœur et mon père sont également présents. C’est cool d’avoir tout ce petit monde pour vous encourager.

Je savoure les derniers instants de la course. Par bravade, j’ai promis à Arclusaz un sprint d’anthologie pour clore en beauté ce 24h. Il reste 10 minutes de course quand l’occasion de dilapider mes dernières forces se présente. Un relayeur de l’unique équipe présente me double, je lui emboite le pas sans réel espoir de pouvoir le suivre. Ma vitesse est subitement passée de 8 km/h à un 10 bien portant. La première centaine de mètres passe plutôt bien mais mon corps rechigne bientôt à l’effort. Mes jambes sont lourdes, je me fais légèrement décroché. Et puis les choses s’améliorent, ma foulée s’allonge et je gagne peu à peu du terrain sur mon lièvre.

Dans la ligne droite des peupliers, je passe en tête. J’accélère, persuadé que je vais de toute façon m’effondrer dès la ligne d’arrivée passée. J’ai une bonne marge sur mon poursuivant maintenant. Je passe devant le barnum à 13km/h et sans arrêt au stand. Le commentateur en est tout ébahi et en perd un peu son latin.


Ca sent la fin …

Je ne me suis pas effondré, j’ai même augmenté très nettement ma vitesse. Je vais effectuer mon dernier tour entre 14 et 16 km/h suivant les circonvolutions du circuit ! Purée ce que ça fait du bien de se dégourdir les jambes. Biscotte m’a attendu à l’extrémité Est du circuit et se lance à ma suite pour que nous finissions ensemble. Une ligne droite, un virage, une seconde ligne droite, je tiens à ce rythme encore quelques secondes et puis subitement la tête lâche, je n’en peux plus, j’ai tout donné.

Je termine ces 24h de Saint-Fons en marchant tranquillement avec mon ami Biscotte.
5, 4, 3, 2, 1 C’est terminé ! Nous voilà tout deux Circadiens.

Conclusions :

Une fois la distance finale mesurée, je me suis enfin offert ce plaisir simple mais ô combien désiré dans la fournaise du samedi après-midi : déguster une mousse bien fraiche assis confortablement sur une chaise à défaut d’avoir un transat à ma disposition.

Voilà, j’ai obtenu une marque modeste à 144 km. Biscotte, quant à lui, a réussi une belle performance avec 171 km. Ce n’est que justice, le travail paye. Il n’est pas passé loin du podium senior. Dommage, seul le premier de chaque catégorie était récompensé. Cette course m’aura vraiment donné du fil à retordre. Dur dur ce genre d’épreuve mais très intéressant sur le plan sportif. L’effort pur. Ce n’est pas le paysage qui risque de vous distraire de votre ultime but : avaler du km. Le 24h c’est une histoire entre vous et la piste et quelques sympathiques rencontres il faut bien le dire.

Finalement, ce n’est pas si mal un 24h … et si je m’en refaisais un p’tit à l’occasion ?

Arthurbaldur. 🙂


Le t-shirt en cadeau.

Récapitulatif :
Distance : 144.097 km
Rang Gen. 19/31 (4 abandons)
Rang VH1 : 7/11

Les résultats : Les 24 h de Saint-Fons 2011.
Le site : Les 24 h de Saint-Fons 2011

Quelques photos :

24 h de Saint-Fons 2011